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SABRINA OTEGUI | PARLONS BASQUE EN ARGENTINE

Sabrina Otegui, comme beaucoup d’autres Argentins, nous dit qu’elle est porteuse d’un “Cocktail génétique”. Elle a des origines anglaises par sa mère et basques par son père (Pays Basque sud). Jeune femme de 40 ans, elle a commencé à apprendre le basque il y a une quinzaine d’années et sa volonté lui a permis de l’apprendre très vite. Elle donne des cours de basque à la maison basque “Euskaltzaleak” de Buenos Aires et elle forme les futurs professeurs du programme “Euskara Munduan” (le basque dans le monde programme géré par  HABE). Sabrina est très active au sein de l’association “Euskaltzaleak” ; elle  y joue du “Pandero” et participe activement avec d’autres membres de l’association à la promotion de la langue et de la culturebasque à Buenos Aires et dans toute l’Argentine. Elle est également correspondante, depuis 2007, du site web “Euskalkultura”, pour l’Argentine et l’Amérique latine. Elle y donne les nouvelles de laDiaspora basque en Argentine et en Amérique Latine. Pour finir, elle est professeur de Sémiologie à l’Université Nationale de Buenos Aires. J’ai eu la chance de discuter avec elle, à Buenos Aires dans les locaux de « Euskaltzaleak » ( Euskaltzaleak enseigne le basque depuis plus de 70 ans), juste avant son cours de basque. (L’entretien a eu lieu en basque). (Photo: Sabrina Otegui)

E.D: Bonjour Sabrina, peux-tu nous raconter comment tu as commencé à apprendre le basque? 

Sabrina: Bonjour, je suis de Pergamino (Province de Buenos Aires) et cela fait 20 ans que je vis à Buenos Aires. A vrai dire, avec ma famille nous ne fréquentions pas la maison basque de Pergamino. Je savais très peu de choses à propos de mes racines basques. Pendant mes études de linguistique et de sémiologie, une des professeurs nous avait donné l’exemple de la langue basque et c’est à partir de là que j’ai eu envie d’apprendre le basque. J’ai donc commencé à prendre des cours de basque avec “Euskaltzaleak”. Un an plus tard, on m’a proposé d’intégrer le programme “Argentinan Euskaraz” (programme qui formait les professeurs de basque en Argentine). J’ai trouvé l’idée intéressante et j’ai commencé.

E.D: Comment s’est passé ce programme pour toi ? 

Sabrina: le programme “Argentinan Euskaraz” (parlons basque en Argentine) a vu le jour il y a 25 ans. Il y a 10 ans, il s’est étendu au monde pour devenir “Euskara munduan” (parlons basque dans le monde). Quand j’ai commencé, c’était encore “Argentinan euskaraz”. Nous avions des cours et des stages intensifs en internat. Deux fois par an, des professeurs venaient du Pays Basque pendant les vacances d’été et d’hiver pour nous former.

E.D: Où se faisaient les internats? 

Sabrina: Le plus souvent, ils se faisaient en dehors de Buenos Aires, soit dans une maison basque de la Province de BA, soit plus loin, à Cordoba par exemple.

E.D: Comment s’est passée la transition entre les deux programmes pour toi ? 

Sabrina: Avec le nouveau programme, on a eu beaucoup plus de cours en ligne et de nouveaux modules en ligne avec des professeurs du Pays basque. Ils nous envoyaient des devoirs  qu’on devait renvoyer pour correction.

Quand on a fini le programme avec mon groupe, nous sommes tous allés faire un stage intensif en internat à Lazcao. Certains sont restés deux mois et d’autres (dont moi) sont restés 6 mois.

Quand j’ai commencé le programme, c’était plus dur d’être régulier dans l’apprentissage à cause de la distance. A l’époque, il n’y avait pas tous les outils de communication internet comme aujourd’hui. Avec leur développement tout est devenu plus facile.

E.D: En même temps tu donnais des cours de basque? Ce n’était pas trop dur de tout gérer? 

Sabrina: Oui, c’est vrai, ça été assez difficile, beaucoup de travail. J’avais commencé à donner des cours et en même temps j’apprenais! Au début je n’en savais pas beaucoup plus que mes élèves finalement! Dur, dur, mais bon, je l’ai fait, ça m’a beaucoup apporté. Ce qui m’a beaucoup aidé c’est que j’avais déjà de l’expérience en tant que professeur, j’étais déjà prof de sémiologie à l’université.

Maintenant je donne des cours à “Euskaltzaleak” et au sein du programme “Euskara Munduan” lors des stages intensifs d’été et d’hiver. (Photo: Julia: Sabrina et ses élèves et Maialen zamponi)

E.D: J’ai vu que “Euskaltzaleak” organise également des cours en ligne, comment ça se passe? 

Sabrina: C’est moi qui suis les élèves en ligne. Ce cours est destiné aux personnes qui n’ont pas de cours de Basque dans leur ville. Ils se connectent à une plateforme et choisissent des unités de cours. Comme toujours, il y a beaucoup d’inscrits en début d’année et on en perd certains en route. On a aussi des élèves très motivés et certains sont très bons. Je pense que c’est plus difficile d’apprendre en ligne si tu n’as aucune base.

E.D: En plus des cours de basque, tu joues du “Pandero” avec les danseurs et lors de différentes activités? 

Sabrina: oui avec les danseurs, et aussi depuis trois ans, nous avons commencé à organiser des “Triki Poteo” (Apéro trikitisa), avec un jeune venu du Pays Basque. Bon, on ne les organise pas vraiment comme au Pays Basque, mais on essaie. On part de notre local pour aller jusqu’à la Place Dorrego de San Telmo en s’arrêtant pour jouer et danser dans certains bars où l’on boit un verre. Il y a environ 7 ou 8 rues, c’est un peu long. On finit sur la place et on fait demi-tour en continuant de chanter et danser. On le fait environ deux fois par an.

E.D: Tu as voyagé plusieurs fois au Pays basque, qu’est-ce que tu voulais connaitre? Quels étaient les objectifs de tes voyages? 

Sabrina: J’ai suis allées 4 fois au Pays basque. J’y suis allée essentiellement pour apprendre le basque. Lors de mon premier voyage, je suis restée 6 mois en internat à apprendre le basque. Lorsque j’ai commencé à apprendre le basque, mon seul but était de l’apprendre et rien d’autre. Ce premier séjour date de septembre 2006.

Ensuite, j’y suis retournée encore 6 mois, à la fin du programme “Euskara Munduan” pour refaire un stage intensif. Du coup de 2006 à 2008, j’ai passé deux ans en hiver! Je passais de l’hiver basque à l’hiver argentin et ainsi de suite. Lors de ce second voyage, j’ai eu mon examen “EGA”. En 2010, je suis retournée au Pays Basque avec “Gazte mundu” (programme du Gouvernement basque), il s’adressait aux professeurs de basque. Enfin, lors de mon dernier voyage, j’ai enfin visité et connu un peu plus le Pays Basque. Il est vrai que jusque-là mon seul intérêt était la langue basque. Maintenant, je suis plus détendue sur le plan de la langue et je m’intéresse à d’autres choses aussi, par exemple au “pandero”. Maintenant que je sais le basque, je trouve ça sympa aussi de jouer du Pandero et de pouvoir en jouer au Pays basque aussi. (Photo: Maialen zamponi: Sabrina eta Inaki, Pandero et Alboka)

E.D: Comment tu vois le Pays basque aujourd’hui? 

Sabrina: Ce qui m’a le plus surpris est que le Pays basque est beaucoup plus moderne que ce que je pensais. Je sais que l’image que nous avons du Pays basque est fausse ou idéalisée. Moi je dirais …par exemple au Pays basque je n’ai jamais vu de danseurs (rire), je n’ai jamais vu de danse basque. Lors d’un de mes voyages, j’étais arrivée le jour de San Ignacio au Pays basque, je m’attendais à trouver des festivités et des danses basques partout, mais ce n’était pas le cas. Quand je suis en Argentine, chaque année je vais à  la maison basque d’Arrecifes pour fêter San Ignacio, il y a beaucoup de danses basques pour l’occasion. Je pensais que c’était la même chose dans tout le Pays basque. Mais bon c’est normal, je sais que nous avons tendance à l’idéaliser et que dans un sens nous devrions changer notre manière de voir.

Moi j’avais une vision très idéaliste de la langue basque, je l’ai compris quand j’étais là-bas. Je pensais que tout le monde parlait le basque et que tout le monde était conscient de l’importance de la langue basque. Je me suis vite rendu compte que ce n’était pas comme ça. Pour donner un exemple, certains de mes amis du Pays basque, qui parlent basque, ne comprennent pas pourquoi on apprend le basque en Argentine et pourquoi c’est si important pour moi de parler le basque. Ils ne voient pas dans la langue basque ce que moi j’y vois (rire).

E.D: Est-ce que tu t’intéresses également à la culture et à la réalité socio-politico-économique du Pays Basque? 

Sabrina: Pour dire vrai, je ne m’intéresse quasiment qu’à la langue. Quand j’ai commencé mon seul intérêt était le basque, j’ai également appris certaines choses sur la culture mais pas tant que ça. Mon intérêt majeur c’est la langue basque.

E.D: Dans ta famille, tes parents et tes frères et sœurs ont aussi un intérêt pour la langue basque? Comment voit-il l’intérêt que toi tu en as? 

Sabrina: Au début ma mère ne comprenait pas trop pourquoi je voulais apprendre le basque. En plus elle est prof d’anglais, j’ai appris l’anglais avec elle. Du coté de mon père, sa famille était basque espagnole, il est fier de ses racines basques, mais il est plutôt espagnol et conservateur, sa famille également. Souvent, quand nous parlions du Pays Basque nous n’étions pas d’accord. Ma sœur a appris quelques mots, elle essaie, elle vit dans la province de Chubut à Comodoro Rivadavia, il y a une Maison Basque là-bas, une des plus anciennes du pays. Une fois nous y sommes allées ensemble, rien de plus (Rire).

E.D: Comment te définis tu? Argentine, Basco-Argentine…? 

Sabrina: Moi je suis argentine, je sais que j’ai des racines basques, mais je n’ai pas de relation avec ma famille basque et du coté de ma mère je suis anglaise. Je n’ai pas les 8 noms basques (8 apellidos vascos) (rire), je n’en ai qu’un. Non je ne suis pas “Basco”, sinon je serais “Anglo” aussi. “Euskalduna” (Qui parle basque): oui. Je pense donc que je suis argentine. J’ai beaucoup de liens avec la diaspora Basque, avec une maison basque, mais je ne peux pas dire que j’ai un lien étroit avec le Pays Basque, avec mes amis basques oui, mais pas avec le Pays basque. Par contre avec la langue basque oui.

E.D: Une dernière question (les élèves du cours de basque commencent à arriver) : Quelles sont les relations qui existent et qui pourraient naitre entre la diaspora basque d’argentine et le Pays basque ? 

Sabrina: Moi je pense que cette relation est compliquée. La relation qui subsiste depuis toujours est une relation très paternaliste, notamment avec le Gouvernement Basque. Certaines maisons basques pensent qu’il faut trouver des financements extérieurs. Mais, en même temps, il y a aussi des gens très impliqués et qui travaillent beaucoup dans les maisons basques. Il faudrait trouver un équilibre. Finalement, je ne sais pas trop quelles relations existent vraiment entre le Pays Basque et la diaspora…je ne sais pas si les gens au Pays Basque sont intéressés par ce qui se passe ici. C’est justement peut-être pour ça qu’il est important de faire connaitre ce qui se passe ici.

E.D: Merci beaucoup Sabrina de nous avoir donné de ton temps et à une prochaine fois! 

N.B: La maison Basque “Euskaltzaleak” a 70 ans: son objectif premier était l’apprentissage de la langue basque. Elle avait commencé son activité au sein d’une autre maison basque du nom de Laurak Bat. Elles se sont séparées il y a 10 ans. Depuis trois ans, « Euskaltzaleak » a son siège dans le quartier San Telmo. En plus des cours de basque, ils ont un chœur, un groupe de danseurs et donnent des cours de pandero. Ils sont très dynamiques et organisent plusieurs évènements dans l’année.